Wilfried N'Sondé
Forfatter af The Heart of the Leopard Children
Om forfatteren
Image credit: Wilfried N´Sondé, Leipzig Bookfair 2014 By Lesekreis - Own work, CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=31648462
Værker af Wilfried N'Sondé
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Satte nøgleord på
Almen Viden
- Fødselsdato
- 1968-12-28
- Køn
- male
- Nationalitet
- Republic of the Congo
- Land (til kort)
- Republic of the Congo
- Fødested
- Brazzaville, Republic of the Congo
- Bopæl
- Berlin, Germany
Brazzaville, Republic of the Congo
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- ISBN
- 22
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J’ai découvert ce livre lors d’une rencontre avec l’auteur, organisée il y a peu à Rennes, dans le cadre du salon Rue des Livres. Des propos intéressants, une pensée bien construite qui donne envie d’en savoir plus. Il ne m’en a pas fallu plus pour acheter un exemplaire, me le faire dédicacer et, quelques semaines plus tard me lancer dans cet opus étonnamment court.
Etonnamment court, dis-je, car il s’agit pas moins de la biographie romancée du premier ambassadeur noir au Vatican, Dom Antonio Manuel, né Nsaku Ne Vunda quelque part sur les berges du fleuve Congo. Nommé ambassadeur par le roi des Bakongos, Alvaro II, suite à la requête du pape Clément VIII, il part en 1604 pour l’Europe, sur un bateau négrier français qui doit d’abord faire escale au Brésil pour livrer sa précieuse cargaison. Arrivé en Europe, il fera une halte de trois années dans les geôles de l’Inquisition espagnole, dont il sera enfin libéré en 1607 sur les instances du nouveau pape, Paul V. Après avoir brièvement rencontré celui-ci, il meurt, épuisé par les péripéties de son voyage. Le Pape, impressionné par la lumière se dégageant de son corps, le fait enterrer dans la basilique Sainte-Marie Majeure et demande à l’artiste Francisco Caporale d’en réaliser un buste en marbre noir (plutôt laid à mon goût si j’en crois les photos vues sur internet). Voilà, cela ce sont les faits historiques. Et à partir de là, Wilfried N’Sondé, auteur confirmé mais dont je n’avais que vaguement entendu parler, donne un corps et des sentiments à cet homme dont on sait peu.
Il est difficile d’entrer dans un livre dont on s’est fait une idée précise, ici suite à la rencontre avec l’auteur, et que l’on découvre autre. Ma lecture a été pour beaucoup parasitée par le fait que je n’ai pas retrouvé dans le texte les propos de l’auteur. Je l’ai en effet entendu décrire la complexité inhérente au commerce triangulaire, dont les responsabilités sont plus partagées que l’on nous le fait souvent croire, que la couleur de peau n’est pas le seul déterminant, puisque l’on pouvait traiter un noir à l’égal d’un blanc tant qu’il était bien né. Un roi portugais se sentirait ainsi plus proche d’un roi kongo (et par là même noir) que d’un simple matelot, blanc certes mais pauvre et sans ascendance. Wilfried N’Sondé dit aussi que la vie d’un esclave à vendre est plus précieuse que celle d’un matelot, puisque le premier est de l’argent à venir tandis que le second engendre des frais. Ce dernier point est certes évoqué en filigrane dans le livre, mais le premier ne m’est jamais apparu, même s’il est vrai que des noirs sont montrés dans des sphères de la société où on ne les attend pas habituellement, par exemple parmi les moines d’un couvent européen. Je n’ai donc pas vu ce dont l’auteur parle dans ses conférences, cette complexité des relations sociales de l’époque où l’argent et la naissance plus importante que la couleur de peau.
Par contre, une fois que j’ai réussi à me départir des attentes que j’avais face à ce livre, j’ai commencé à m’intéresser d’un peu plus près au personnage de Dom Antonio. Cet homme qui ne sait rien de la réalité du monde et qui la prend de plein fouet. Et pourtant, un homme inébranlable dans sa foi, dans sa foi en Dieu s’entend, pas dans sa foi en l’homme (quoique, mon propos est ici un plutôt réducteur).
Un homme qui reste en marge toute sa vie, éternel spectateur. Malgré son sacerdoce, il ne se rapproche pas de ses frères en captivité, se donnant l’argument qu’il lui faut préserver sa personne pour préserver sa mission. Puis spectateur des échauffourées entre marins, des brutalités des pirates, puis de celles de l’Inquisition. Spectateur toujours. Ou participant involontaire lorsqu’il tombe aux mains de l’Inquisition, mais là encore, spectateur de lui-même en quelque sorte. Et dans cette éternelle distance au monde et aux événements, un homme qui tombe de désillusion en désillusion. Appelé par son roi, dont il comprend vite qu’il est aux abois et victime des jeux de pouvoirs incessants, il voit cette figure garante de l’ordre ancestral se dissiper. Puis ce sont les riches armateurs sans pitié aucune, puis c’est l’Europe bien plus pauvre, sale et banale que ce qu’on lui avait raconté durant ses années de séminaire. Alors il ne reste que la figue du pape, ce berger de tous les fidèles, qui comprendra et qui remettra de l’ordre dans tout cela. Mais arrivé au terme de son voyage, Dom Antonio s’aperçoit que le pape n’est pas mieux que les autres hommes. Il ne lui reste plus que Dieu, directement, et comme ultime recours. Tombant de désillusion en désillusion, je ne veux pas augurer de ce que fut sa rencontre avec Dieu, pourtant une nouvelle désillusion serait dans l’ordre des choses. Mais ici je m’égare, car l’œuvre de Wilfried N’Sondé me parait profondément respectueuse de la religion, ce qui m’a d’ailleurs parfois dérangée.
Alors que penser de Dom Antonio, né Nsaku Ne Vunda ? Sur la quatrième de couverture, l’éditeur Actes Sud le compare à un Candide africain, et ce n’est qu’après ma lecture que je m’aperçois à quel point ce qualificatif est juste. Mais faux aussi. Car s’il décrit bien le caractère que Wilfried N’Sondé prête à son personnage et s’il résume bien son parcours semé de désillusions de plus en plus cruelles, ce roman n’est pas un conte philosophique, où un personnage est défini par un unique trait de caractère, pour en faire la personnification d’une thèse défendue par l’auteur. Le personnage est ici censé être réel. Alors que faire de cet homme qui reste un éternel spectateur effaré de la dureté du monde, un homme qui se lance à corps perdu dans une aventure qui s’avèrera vaine et qui, au soir de sa courte vie peut avoir la sensation de n’avoir rien fait, rien accompli ?
C’est finalement un personnage tragiquement pathétique que Wilfried N’Sondé décrit. A l’entendre, ce n’était pas son intention d’auteur, mais c’est ainsi que j’ai lu et reçu son livre. M’sieur Raton, avec qui je partageais mes impressions de lecture, a comparé cette figure à celle d’un martyr, et cela m’a paru assez juste. « Martyr » signifiant d’ailleurs « témoignage », c’est encore plus juste. Et cette lumière qui émane du corps de Dom Antonio après sa mort, n’est-ce pas un début de miracle qui en ferait un saint, certes non reconnu par l’Eglise, mais un saint noir tout de même ?
Etrange lecture, donc, d’un livre qui s’est révélé tout autre que ce que j’en attendais, mais dont la lecture n’a finalement pas été désagréable bien qu’un peu longuette (malgré le nombre de page finalement assez réduit). Je goûte peu la plume de Wilfried N’Sondé, j’ai eu du mal avec l’approximation de son vocabulaire maritime (même si j’ai essayé de l’excuser en me disant qu’on pouvait y voir le reflet de la méconnaissance de ce même vocabulaire de la part du personnage principal, tout en contemplation et jamais en action), j’ai eu des difficultés avec le personnage de Martin. Mais malgré ces insuffisances, c’est un livre que je suis contente d’avoir lu, et un livre qui était probablement difficile à écrire. Ils sont rares les livres où les héros sont présentés comme des héros positifs bien qu’ils soient dans la perpétuelle inaction, où les héros sont dans la contemplation permanente, et ce quelque soit le prosaïque et le sordide du monde qui les entoure. Etrange personnage que ce Dom Antonio, qui me tarabuste encore plusieurs semaines après la fin de ma lecture.
Un livre plein d’insuffisances donc (et le fait de ne pas avoir identifié les deux mers du titre n’est pas la moindre, mais c’est peut-être ma géographie qui est en cause…), mais qui laisse des traces, et c’est, j’imagine, la marque d’un bon roman. Ou du moins d’un roman que j’ai bien fait de lire.… (mere)