Olivier Maulin

C'est l'histoire de deux types totalement à la ramasse. L'un enchaîne les petits boulots et squatte chez l'autre, un garçon assez abruti, qui passe ses journées entières vautré dans le canapé à écouter du Bach en boucle. Un jour, le premier persuade le deuxième d'accepter un poste de vigile de nuit pour garder des camping-cars. C'est au cours de cette première nuit que vont commencer leurs aventures rocambolesques. Certaines scènes sont à hurler de rire.
Ils vont rencontrer tout un tas de personnages, tous plus singuliers les uns que les autres, vivant des existences retranchées, autonomes et loins des préoccupations bêtement consuméristes.
Le roman, à l'écriture bien troussée, désopilant et bien souvent totalement dingue, n'en est pas moins un appel à la résistance contre la destruction de la nature, des désastres de la "modernité" et du saccage de la beauté.
Une bonne surprise : à découvir !

Olivier Maulin n'a pas la langue dans sa poche ; extraits :
"L'emploi, ça devient aussi rare qu'une abeille dans un champ arrosé au Gaucho. Et ne parlons pas des CDI, des vrais métiers et des salaires décents ; tout ça, c'est du passé, le progrès est passé par là."
"Avec la pauvreté qui explosait, le luxe vivait dans le stress".
"... une nouvelle caisse noire découverte au Sénat, un énième ministre fraudant le fisc, un député ayant croqué d'un lobby avant de proposer une loi, etc. La routine. La classe politique avait enfin trouvé le moyen d'en finir avec la médiatisation des affaires : en les démultipliant à l'infini. Un scandale isolé choque et crée l'émoi ; des centaines lassent le public et émoussent sa sensibilité."
"L'ampoule aplatissait tout, écrasait tout, emprisonnait ce qui avait toujours flotté. Elle avait tué le mystère, l'ambiguïté, violé les coins obscurs où nichaient les génies. La fée électricité ? Mon oeil ! Une usurpatrice qui avait achevé d'éloigner les vraies fées ! Une obscène cochonne qui montre tout ! Une menteuse qui nous promet la lune avant de se transformer en lampe braquée qui nous somme d'avouer... Comment avait-on pu se prosterner devant cette salope universelle au point de sentir face aux dynamos exposées dans la galerie des Machines de la Grande Exposition de 1900, "une force morale à peu près semblable à celle que les premiers chrétiens sentirent devant la Croix"? Pouah ! L'électricité était devenue mon ennemie."… (mere)

Romain, chômeur de 29 ans, suit sa compagne à Lisbonne. Dans la pension où ils s'installent, Romain fait la connaissance de Dulce, la voisine plantureuse et un brin nymphomane, et de Pepe, ancien colon de l'Angola, assidu des télé-novelas. Au cours de Portuguais il rencontrera Cécile, qui aime aboyer quand elle fait l'amour. Mais la rencontre qui va changer sa vie c'est Lucien, un grutier chaman et royaliste, qui va l'initier à son métier et à ses croyances.

C'est un premier roman drôle et inventif, rythmé par un art du dialogue percutant et des personnages totalement "libérés". L'épisode de la tournée des bars de Romain, Lucien et Pepe dans son fauteuil roulant, dévalant les pentes pavées de Lisbonne m'a beaucoup amusé : j'ai moi-même poussé le fauteuil d'un ami dans les rues accidentées de Lisbonne, entre les tramway et les averses soudaines.… (mere)