Essai particulièrement stimulant et éclairant sur notre société d’aujourd’hui qui aurait tout sacrifié à la puissance et à l’omniprésence de la norme, de l’expertise et de l’évaluation, au détriment du récit, de l’expérience, de la singularité et de qui fait tout simplement humanité. Pour appuyer sa démonstration, Gori convoque la voix d’autres grands penseurs : Hanna Arendt, Norbert Elias, Christopher Lasch, Erich Fromm et bien d’autres.

Le dernier chapitre, dans lequel il évoque les raisons qui ont conduit, selon lui, à la perte de confiance généralisée que l’on connait à l’égard du politique, augurait clairement la naissance du mouvement des Gilets jaunes, quelques années plus tard. Car le politique a fait sien un langage de technicien, de marchand et d’économiste qui a quitté le champ des valeurs et des idées. Il ne s’est pas seulement approprié ces langages, il en a aussi adopté les méthodes et applications.

Refusons d’être classés, évalués, normés, étiquetés, « protégés » (ah ! comme on aime la sécurité et comme il est difficile d’être libre !). Ne laissons pas nos vies aux seuls machines et algorithmes. Soyons créatifs, bousculons l’ordre établi si nous ne voulons échapper à l’immense bataillon des « as if » et imposteurs qui forme désormais la société.

Le livre n’est pas seulement intelligent, il est aussi militant… presque un gros mot dans une société aussi normée et aseptisée que la nôtre. Car Gori ne mâche pas ses mots. Sa démonstration résonne donc comme un appel, comme un réveil ô combien salutaire. ( )