Marcel Schneider

En France, aujourd'hui, on croit que la littérature fantastique appartient au domaine anglo-saxon et que notre "forma mentis" nationale n'est pas faite pour ces bizarreries. Il est vrai que les anglo-saxons ont donné une ampleur impressionnante à cette catégorie de la littérature. Toutefois, il ne faut pas oublier que le genre fantastique est né dans l'Ancien monde avant que le Nouveau soit découvert et qu'il a eu de nombreux titres de noblesses. C'est à cette histoire passionnante que nous convie Marcel Schneider dans cette histoire de la littérature française, écrite en 1964 et rééditée en 1985. Pour les passionnés du genre, ce livre si lit presque d'une traite et donne l'occasion de recueillir de nombreuses idées de lecture. Par ailleurs, ce livre, même rangé dans la catégorie des monographies, se lit avec beaucoup d'aisance car l'auteur est avant tout un romancier et plus encore un conteur qui a abordé à de nombreuses reprises le genre fantastique.

Pour se rendre compte de l'intérêt de ce livre, il convient tout simplement de citer la table des matières :

PREMIERE PARTIE : Avant le fantastique

I- Le merveilleux (XIIème - XVème siècles)

Le chevalier à la charrette - le roman d'Alexandre - Les lais de Marie de France - Amadas et Ydvoine - Le jeu de la feuillée - Le roi Arthur et la Table ronde - Le philtre de Tristan - La légende du Graal - Le paradis de la reine Sybille - Le livre de la fontaine périlleuse.

II - Antimonde et paramonde (XVIème - XVIIème siècles)

Le théâtre magique de l'âge baroque - Les inquisiteurs - Cyrano de Bergerac : lettre sur les sorciers (1648) - La légende de Mélusine - Ronsard : hymne des daimons (1552) - Villars : le Comte de Gabalis (1670)

III - Dans l'au-delà et les espaces infinis (XVIème - XVIIème siècles)

Le Ciel, Saint-Amand : Moïse sauvé (1654) - L'Enfer, Aubigné : Les Tragiques (1616) ; Sigogne - L'Esprit du monde : Le songe vert (1695) - Cyrano de Bergerac : L'autre monde (1657) - Fantômes et songes dans la poésie baroque : Théophile de Viau.

IV - La féérie (1660 - 1791)

Le sang léger du peuple-fée - Mme d'Aulnoy - Perrault : Contes de ma mère l'Oye (1697) - Satire merveilleux : Voltaire - Séthos (1731) - La flûte enchantée (1791) - L'illuminisme.

V - Trois verbes irréguliers

Jacques Cazotte : Ollivier (1763) ; Le diable amoureux (1772)
William Beckford : Vathek (1786-1787)
Jan Potocki : Manuscrit trouvé à Saragosse (1804-1805)

VI - Le frénétique (1790 - 1870)

Le roman noir anglais : Walpole, Radcliffe, Lewis - La fantasmagorie de Robertson - Marquis de Sade : idée sur les romans (1800) - Mathurin : Melmoth (1820) - Règne de Byron - Les cauchemars, Nodier : Smarra (1821) - Les vampires - Les peintures de Géricault et Delacroix - Jules Janin : l’âne mort et la femme guillotinée (1829) - Pétrus Borel : Champavert (1833) - Lautréamont : les chants de Maldoror (1868-1869)

DEUXIEME PARTIE : Le fantastique

VII -Le fantastique

Définition - Nodier : du fantastique en littérature (1830) - Le créateur du genre : Hoffmann - Les quatre thèmes principaux : folie et puissance du Mal, Les elixirs du Diable (1815) ; Illusion et humours, Princesse Brambilla (1822)

VIII - Variations sur le nom de Hoffmann

Nodier : la fée aux miettes (1832)
Balzac : La peau de chagrin (1831) , Séraphita (1835)
Emile Deschamps : Réalités fantastiques (1854)
Eugène Sue : Paula Monti (1842)
George Sand : Les légendes rustiques (1858) , Laura (1865)
Dumas : Les Mille et un Fantômes (1849)
Erckmann-Chatrian : Contes des bords du Rhin (1862) , Contes populaires (1866)
Barbey d'Aurevilly

IX - L'hôtel du doyenné

Nerval : La Main enchantée (1832), Voyage en Orient (1851), Pandora (1854), Aurélia (1855)
Gautier : Contes fantastiques (1831-1852), Jettatura (1856), Avatar (1856), Spirite (1866)
Philotée O'Neddy : feu et flamme ( 1833)
Philarète Charles : L’œil sans paupière (1832)
Aloysius Bertrand, Defontenay, Xavier Forneret : Le diamant de l'herbe (1840)

X - Les différents visages de Mérimée (1825 - 1870)

Les contes fantastiques : les armes du Purgatoire (1834), La Vénus d'Ille (1837), Lokis (1869), Djoûmane (1867-1870)

TROISIEME PARTIE : Après le fantastique

XI - Le nouvel intercesseur : Edgar Poe

XII - Fantastique revue et corrigé (1856-1890)

Par la cruauté : Villiers de l'Isle-Adam
Par le spiritisme : Allan Kardec, Victor Hugo, Camille Flammarion, Maurice Maeterlinck
Par la folie : Guy de Maupassant

XIII - Fantastique symboliste et dévadent (1884 - 1912)

L'influence d'A rebours (1884)

Fantastique symboliste : Rémi de Gourmont : Histoires magiques (1902), Gestes et opinions du Docteur Faustroll (1911) - Trois antiquaires de la Rive Gauche - André Gide : Le voyage d'Urien (1893)
Fantastique décadent : Joséphin Péladans : L'Androgyne (1891), La victoire du mari (1889), La torche renversée (1925) - Jean Lorrain : La Mandragore (1889), Histoires de masques (1900), Monsieur de Phocas (1901)

XIV - Réactions en ordre dispersé (1875 - 1920)

France et trois gendres de Hérédia. France : Abeille (1883) ; Régnier : La canne de jaspe (1897), Histoires incertaines (1919) ; Maindron : La gardienne de l'idole noire (1910) ; Louys : Sanguines (1903)

Alain-fournier : Le Grand Maulnes (1913)

La droite et la gauche. Erneste Hello : Contes extraordinaires (1879) ; Leon Bloy : Histoires désobligeantes (1894) ; Octave Mirbeau : Les Vingt et Un Jours d'un neurasthénique (1901)

Roman populaire et d'anticipation. Paul Féval : La ville vampire (1875) ; J-H Rosny : Les Xiphéhuz (1883) ; Gaston Leroux : La double vie de Théophraste Longuet (1904), La poupée sanglante (1930) ; Maurice Renard : Le voyage immobile (1909) , Le péril bleu (1911)

Guillaume Apollinaire : L'Hérésiarque et Cie (1910), Le poète assassiné (1916) ; Raymond Roussel : Locus Solus (1914), L'étoile au front (1924)

XV - Le diable reprend pied dans la littérature

Bernanos : Sous le soleil de Satan (1926), Monsieur Ouine (1943)
Pierre Mac Orlan : Malice (1922), Le bal du pont du Nord (1956)
Julien Green : Le voyageur sur la Terre (1927), Partir avant le jour (1963), Histoires de vertige (1984)
Michel de Ghelderode : Sortilèges (1941)

XVI - Fantastique surréaliste

André Breton : Nadja (1928)
Aragon : Le paysan de Paris (1924)
Benjamin Péret : Au 125 du Boulevard Saint-Germain (1923)
Robert Desnos : La liberté ou l'amour (1927)
Michel Leiris : Le point cardinal (1927)
René Crevel : Mon corps et moi (1925)
Georges Limbour : Le chavel de Venise ( 1924)
Julien Gracq : Au château d'Argol (1938)
Lise Deharme : La porte à côté (1949)
André Pieyre de Mandiargues : Feu de braise (1959)
Marcel Béalu : L'Araignée d'eau (1948)

XVII - Fantastique poétique

Jules Supervielle : L'enfant de la haute mer (1931)
Jean Giraudoux : Intermezzo (1933)
Jean Cocteau : L'ange Heurtebise (1925), Les chevaliers de la Table Ronde ( (1937)
Henri Michaux : Monsieur Plume (1932), Voyage en grande Garabagne (1936)
André Dhôtel : La chronique fabuleuse (1956), Les voyages fantastiques de Julien Grainebis (1958)
Marcel Brion
Franz Hellens
Jean Mistler
Marcel Schneider : La première île (1951)
Alain Robbe-Grillet : Dans le labyrinthe (1959), Instantanés (1962)
Eugène Ionesco : théâtre
Samuel Beckett : Ena attendant Godot (1952)

XVIII - Une bombe à retardement : KAFKA

XIX - Le fantastique aujourd'hui… (mere)

Avec Marcel Schneider, le lecteur a toujours la surprise de l'aventure, mais de l'aventure stylée, stylistiquement parlé. Cet écrivain qui fut très discret nous offre des phrases ciselées, polies avec lesquelles on sent le temps de conception de l'artisan. Plus encore, il nous offre un voyage entre rêve et réalité où le fantastique se mêle sans que l'on sache exactement à quel moment on a basculé de la réalité dans une autre réalité. pour cela, il faut des dons d'expression plutôt affirmés car le genre fantastique, pour être réellement efficace d'un point de vue littéraire, n'aime pas les gros sabots.

Et quelle ville n'est plus fantastique que Venise, rêve posé sur l'eau, dans laquelle se confrontent les gloires et les misères de l'existence humaine, où la vie, l'art, la beauté contient dans la promiscuité la misère, le sordide et le crapule. L'auteur, habile nouvelliste, nous offre encore une fois la palette de son talent pour nous faire surgir des miniatures où nous descendons dans la noirceur de l’âme qu'en même temps nous nous élevons dans sa lumière.

Un petit livre à garder comme une pépite flamboyante des temps anciens, dont la braise arrive encore à nous brûler les mains et les yeux.… (mere)

Je recommande vivement ce petit livre de Marcel Schneider où l'auteur déroule, avec une très grande classe d'écriture, dix nouvelles qui sont autant de petits bijoux sur le thème de la guerre, du mal, de la folie, et de l'intervention du merveilleux dans la vie des humains dont il nous décrit l'histoire.

Les nouvelles se déroulent en Alsace, patrie chérie de l'auteur, mais aussi en Languedoc, Provence, dans les montagnes, à des époques hors du temps, médiavales ou révolutionnaires. On y croise des meurtriers, des retords, des âmes damnées, des femmes fatales mais aussi des jeunes filles pures, des graines de princesse, des êtres surgis de l'imaginaire des hommes. Tous ces personnages forment une galerie de portraits à laquelle l'auteur donne une épaisseur peu commune en peu de lignes et avec une palette de couleur brillante mais aux tonalités de la nuit.

Voici les nouvelles présentes dans ce recueil : El Hikmet, Terre de songe, La poitrine suppliciée, Un bal à Clichy, Némorin, Prophéties à Martinsbourg, Un lévrier de sable, Le lait sanglant de la liberté, Les archers de l'arrière-monde.

A recommander vivement pour tous les amateurs de nouvelles, de fantastique, de merveilleux et de très bonne littérature.… (mere)

Ce livre est paru en 1974 et contient 3 nouvelles de Marcel Schneider : Déjà la neige, une soif dévorante, le granit et l'absence. Ce sont des nouvelles que j'ai déjà lues par ailleurs, dans des recueils et compilations plus tardives. Donc, ce ne sont pas des découvertes et je suis un peu déçu de ce côté-là. Par contre, il y a cet essai de 87 pages sur le fantastique qui vaut le coup d'oeil et dans lequel l'auteur, avec la clarté de langage qui est la sienne, nous explique sa notion du fantastique, et comment il s'est développé dans la littérature, et comment nous l'appréhendons, et comment en France il a été réduit à la portion congrue par le roman naturaliste et le rationalisme alors que notre pays foisonnait d'auteurs fantastiques. Le fantastique, c'est ce dieu inconnu des grecs. Et Marcel Schneider de nous rééxpliquer ce qu'est l'arrière-monde, et le réel déréalisé. A lire pour tous ceux qui considèrent la littérature fantastique comme une seconde patrie.

Le mot de la fin avec l'auteur : " Le fantastique, comme la poésie dont il ne se sépare pas, est moyen de salut : il nous relie à l'inconscient et aux sources obscures de la vie. Le bannir, c'est rompre avec notre âme et se refuser à participer à la fête de l'univers".

Que dire de plus ?… (mere)