Pascale Perrier

Il se dit que Gauguin ressemble un peu à ces oies sauvages, qui quittent les sols gelés des pays du Nord quand l’hiver devient trop difficile. Le peintre laisse certains aspects de la réalité, pour n’en garder que ce qui aide à vivre.
(p. 48, Chapitre 6, “Rouge vermillon”).
Ecoutez mes sabots résonner sur ce sol breton, ce sol de granit. Le son sourd, mat et puissant que vous entendez, c’est le son que je cherche en peinture.
(p. 75, Chapitre 9, “Ocre cuivré”).

Trouvé dans la toute petite librairie de la boutique du Musée de Pont-Aven, c’est un achat de circonstance ! Je ne sais bien si j’aime Gauguin, mais ce que je sais, c’est qu’il me fascine. Lui, et aussi ses tableaux. Lui et son désir d’aller vers le simple, l’authentique, le vrai. Ses œuvres et leurs grands aplats de couleurs que je n’aurais jamais imaginer marier ; ses personnages et leurs regards perdus dans le vague, plein de mélancolie. Après cette visite, encore une fois, j’avais envie que P’tit Raton et M’ni Raton aient l’envie de prolonger leur visite, qu’ils découvrent ce peintre fascinant. Peine perdue, il n’ya que moins qui aies lu ce livre. Ce n’est pas la faute qu livre, c’est que la peinture n’est guère la tasse de thé de mes ratons, et c’est qu’ils n’aiment pas lire les livres qu’il faut prendre sur les étagères de Maman. Ils préfèrent de loin leurs livres à eux, déjà aussi bibliophiles que bibliovores (mais je ne peux que m’en prendre à moi-même, qui cumule aussi ces deux tares, et qui en plus les assume sans complexe…).
Donc moi je l’ai lu, ce livre pour enfant. Et je n’ai que du bien à en dire. On apprend beaucoup de choses sur Gauguin, tant sur sa personnalité que sur son œuvre. L’action se déroule sur quelques jours, guère plus, on ne voit que quelques œuvres de Gauguin, mais pas seulement les plus connues et pas seulement ses peintures. Le livre est donc très riche, il ne se contente pas des quelques poncifs habituels sur Gauguin et la Bretagne, Gauguin et Tahiti. Et on apprend tout cela sans s’en rendre compte. C’est un vrai livre, un vrai roman d’aventure, on n’a pas la sensation d’un livre pour nous apprendre quelque chose. On apprend sans s’en rendre compte, sans voir les ficelles du roman bien joliment didactique pour les enfants, et tout cela rend la lecture vraiment agréable. On peut même dire que ce livre peut se lire à plusieurs niveaux : on peut presque se contenter de l’aventure et du petit suspens qui donnent envie de tourner les pages ; on peut apprendre quelques petites choses sur Gauguin, ou alors on peut se plonger dedans, et essayer de débusquer toutes les informations distillées par les deux auteurs (puisqu’il s’agit d’un exercice à quatre mains). Rien que les titres des chapitres sont tout un poème. A chaque fois une couleur, une vraie couleur de peintre. Et ce n’est pas artificiel puisque la couleur se retrouve dans le chapitre, au détour d’une phrase, d’une description. Quand on comprend le principe, cela devient un jeu, et comme une petite gourmandise qui fond sur la langue en même temps que l’on continue la lecture.
Un très beau livre, qui mériterait d’être plus connu et plus lu. Une lecture pour les enfants, mais à laquelle les adultes peuvent prendre plaisir sans rougir. Tiens, peut-être une lecture à haute voix pour mes Ratons lors de prochaines vacances (s’ils ne sont pas englués dans leurs histoires d’épouvanteur ou de princesse versaillaise, mais c’est une autre histoire…). J’y penserai, car c’est vraiment un livre que j’ai aimé lire et que j’ai envie de partager avec eux. Pour partager un peu de ma fascination pour Gauguin et son regard sur les choses et sur les gens…… (mere)